Quand me taire est préférable…

Quand il y a un petit caillou dans la chaussure du lien entre moi et quelqu’un d’autre, j’ai parfois tendance à hésiter entre deux approches, qui ont chacune des conséquences plus ou moins agréables :

  • soit me taire, pour préserver le lien en évitant de dire des trucs blessants, au risque d’accumuler des petits cailloux (assortis de leurs interprétations non vérifiées évidemment), de laisser des non-dits encombrer la relation et l’alourdir au fil du temps ;
  • soit parler, pour éviter les problèmes liés au silence, au risque de blesser l’autre et là aussi d’endommager le lien.

Bon, le moins qu’on puisse dire c’est que ce choix là est binaire, et que les conséquences semblent pourries dans les deux cas. Je vous partage aujourd’hui où j’en suis à ce sujet.

Before

Il y a quelques années, ma stratégie de choix était le silence, à la fois pour (en apparence) prendre soin du lien, et (plus réalistement) pour préserver mon besoin d’harmonie dans mes relations.

After

Après la découverte de la CNV (Communication Nonviolente), et après l’accompagnement de quelques blessures du passé en lien avec le partage de ma vulnérabilité et l’ouverture aux autres, je me suis mise à beaucoup plus parler, pour offrir mon authenticité, ma vulnérabilité justement, et mon intimité à l’autre.

D’ailleurs il y a peu de temps je n’étais pas trop d’accord avec cette phrase de Marshall Rosenberg qui dit « l’authenticité doit être au service de la relation ». En effet, j’avais beaucoup de problèmes avec l’idée de devoir décider moi-même (autrement dit moi toute seule, pour deux) si ce que j’allais dire était au service ou non. Il me semblait alors que prendre seule la décision de me taire était d’une certaine manière priver l’autre de sa responsabilité et sa liberté de choisir de recevoir ou pas mon message. Et comme j’avais passé des années à me taire sans jamais vérifier auprès de l’autre, je trouvais ça rude cette phrase, qui justifiait d’une certaine manière l’attitude que j’avais avant mais qui ne me convenait plus.

Du coup j’avais un peu tendance à laisser l’autre responsable de la réception du message et à exprimer ce qui était vivant en moi. J’y ai gagné au passage beaucoup plus de profondeur, de chaleur humaine, et beaucoup de joie.

C’est pas si simple en fait…

Bah oui évidemment, Marshall et ses quarante ans de CNV, quand il dit un truc c’est pas complètement débile (arumpf…), et évidemment sa phrase fait vraiment sens. Elle était juste compliquée pour moi à comprendre (et elle le reste encore parfois certains jours, j’ai encore du chemin à faire), alors la vie m’a donné un petit coup de main : j’ai vécu quelques chouettes ratés. A plusieurs reprises j’ai exprimé mon authenticité sous une forme pas super agréable à entendre, et l’être en face de moi a été blessé, et j’ai (nous avons) bien ramé pour reconstruire le lien.

Au troisième raté j’ai décidé de tenter l’expérience de faire confiance à la phrase de Marshall, j’ai décidé de faire, juste une fois pour voir, le test de me taire à un moment où j’étais super stimulée. Auparavant j’aurais exprimé, avec peu de délicatesse malgré de gros efforts pour me traduire en CNV (et là typiquement si j’en suis là c’est que je fais pas de la CNV en vrai…), le bouillonnement intérieur. Et la conséquence aurait été : je suis stimulée, l’autre est stimulé.e par mon expression et entend (à juste titre) un reproche dans mes paroles et résultat deux stimulé.es sans oreilles et sans aucune capacité à s’écouter. Et là pas du tout, ça a été super doux, et effectivement le lien n’a pas souffert, et a même été servi par mon silence

Quelques points de vigilance

Je ne me tais pas définitivement, juste dans l’instant présent. Quand j’ai pris le temps de laisser se vivre puis d’accueillir ce qui se vit en moi, quand je suis apaisée, quand je peux regarder la scène initiale en prenant 100% la responsabilité de ma réaction, quand il n’y a plus aucun zeste de « l’autre aurait dû se comporter différemment », alors là je suis prête et je reviens sur le petit caillou, justement pour éviter l’accumulation, et à ce moment-là c’est au service de la relation.

Quand je me tais, dans l’instant, mes besoins d’authenticité et d’écoute sont en creux. J’ai parfois en moi le doute que c’est la meilleure chose à faire de me taire. A ce moment là je fais de mon mieux pour accueillir cet inconfort, pour prendre soin de moi.

Parfois ça saute aux yeux que je suis stimulée et que je refuse de m’exprimer. A ce moment là j’ai intérêt à bien expliquer, avec douceur et délicatesse (trop super facile à faire quand on est déjà stimulée, n’est-ce-pas ?), que je décide de me taire pour le moment, pour prendre soin du lien. Si je rate le côté « avec douceur et délicatesse » ben je stimule l’autre, qui y voit une rupture du lien, une défiance, un rejet. Là aussi c’est parfois compliqué pour moi, car étant déjà stimulée (donc triste ou énervée, pour faire simple), je n’ai pas forcément des masses d’oreilles pour accueillir la difficulté de l’autre face à mon silence. Bon, je fais au mieux… Des fois ça marche…

Un truc qui m’aide bien c’est ce qu’Issâ Padovani appelle « les protocoles d’alliance », (voir aussi Faire alliance) à savoir un signal défini à l’avance (quand tout baigne) qui veut dire « je suis stimulée, j’ai pas d’oreilles, je préfère me taire, je te promets qu’on en reparlera plus tard ». Chez moi c’est un simple signe des deux mains qui se plaquent sur les deux oreilles. Ça soutient vraiment d’avoir un tel truc, car un simple geste explique ce qui se passe, et éventuellement l’autre peut se sentir motivé.e pour venir à mon écoute à ce moment là.

Aussi, si en quelques jours (ou plus, selon la fréquence des rencontres avec la personne en question) je n’ai pas réussi à me clarifier et à traduire ce qui se passait pour moi (éventuellement avec l’aide d’ami.es et / ou de girafes de secours), alors là moi je décide de parler quand même. Avec mille précautions, en prenant au maximum ma responsabilité, et en demandant à l’autre son soutien et sa disponibilité pour m’écouter sur un truc pas encore trop clair pour moi.

L’idée ici c’est que moi je n’aime pas laisser des cailloux s’accumuler, je préfère prendre le risque d’abîmer un peu le lien que de laisser des interprétations et des trucs que j’ai du mal à comprendre ou à digérer entre moi et l’un.e de mes proches. Parce que j’ai observé que je finis toujours par le faire payer à l’autre, et ça c’est pas du tout joyeux pour moi…

Pour conclure

Finalement, je crois que je comprends mieux la phrase de Marshall (je vous la redis si besoin « l’authenticité doit être au service de la relation »). Ma lecture de cette phrase aujourd’hui, appliquée au cas de figure précédent, est qu’il est effectivement préférable de garder ma bouche fermée si ce qui en sort risque de ne pas contribuer à mon bien-être et à celui de l’autre. Et lorsque je suis capable de prendre 100% la responsabilité de ma réaction, que je suis calme, détendue et prête à écouter aussi en retour, alors là mon authenticité est au service du lien, et là je parle !

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4 commentaires

  1. Pour ma part, il me semble qu’il y a une tellement grande variété de situations, que l’attitude à avoir ne peut pas relever d’une position systématique à priori (dire ou se taire). Mais dans tous les cas, observer un temps de réflexion avant de réagir me semble indispensable. Outre le fait que ça laisse retomber la tension, ça permet de prendre le temps de se remettre en cause (et oui, parfois on est vraiment persuadé d’avoir entièrement raison), et de bien analyser où ça fait mal quand on entend ce que vous a dit l’autre (bien qu’il soit dans l’erreur ;-).
    Donc pour moi, c’est : pause et ensuite, au feeling.

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