Cultiver l’incompétence…

Allez, aujourd’hui j’ai envie d’un petit article court et léger, où je vous raconte pourquoi j’adore cultiver l’incompétence, et pourquoi il me semble important d’être compétent·e en incompétence.

Deux petits exemples pour démarrer

Pour commencer par le commencement, je peux vous raconter comment j’ai découvert cette chose merveilleuse qui consiste à cultiver l’incompétence. Je l’ai essentiellement observée dans deux occurrences, avant d’en avoir l’idée générale que j’ai aujourd’hui :

  • un gars qui cultivait avec grand grand soin la réputation de ne jamais répondre à son courrier électronique, de n’être pas fiable pour répondre aux mails, et sur qui on ne pouvait pas compter pour donner une réponse efficace dans les délais qui auraient permis un quelconque résultat ;
  • un autre gars (décidément… heureusement que j’ai fait un peu de statistiques et que je sais qu’on ne peut pas tirer de conséquence à partir d’un échantillon de deux personnes, hein, paske sinon…) qui cultivait avec un soin tout aussi grand une incompétence totale en matière de box internet, de branchements, de résolution de problèmes (ben oui les forums c’est pour les geeks et tu comprends moi je sais pas faire) et d’informatique au-delà du minimum fonctionnel quotidien.

Dans les deux cas j’avais cet étonnement rempli de curiosité : pourtant c’est facile, pourquoi vous prétendez ne pas savoir faire les gars? Oui parce que pour le premier il s’agissait juste d’ouvrir sa boîte mails une fois par jour et de répondre aux trucs importants, a priori pour quelqu’un qui a un doctorat d’université ça devrait être faisable.

Quant au deuxième, étant doté du QI d’Einstein, il n’est pas super crédible quand il dit qu’il sait pas trop ouvrir le manuel de la box et brancher le fil rouge dans le trou rouge et le jaune dans le jaune ou poser une question à google dans un français correct et lire la réponse (dans un français incorrect, certes, mais précis néanmoins).

Et pourtant, ces deux-là, et des millions d’autres gars et filles (moi comprise), prétendent quotidiennement ne pas savoir faire des trucs qui sont carrément à leur portée. Alors pourquoi on fait ça? Et comment voir ça comme un truc génial et pas comme de la simple hypocrisie ou de la flemme? Et pourquoi vouloir cultiver et honorer l’incompétence comme une grande qualité?

Pourquoi on prétend être incompétent·e?

Et ben on va simplement se poser la question : qu’est-ce que je gagne en faisant ça? Je vais commencer par les deux gars en question, ça nous donnera un peu de clarté et ça ouvrira la porte à plein de généralisations abusives après, ça sera bien cool, ok?

Cadeau numéro 1 : on me fout la paix !

Alors le premier et sa relation étrange à sa boîte mail, qu’a-t-il gagné? Une putain de tranquillité! Bah oui, puisque du coup quand on a un truc à demander par mail à quelqu’un, on se dit « ah non pas lui il répond pas aux mails, je vais demander à quelqu’un d’autre », et hop du coup un mail économisé pour lui. Et quand on cherche un responsable pour une charge administrative à la con, du genre de celles qu’on a à la fac, qui prennent un temps de malade et qui sont payées 2h équivalent TD ou rien du tout? Ah ben non pas lui il n’est pas fiable, et tu comprends y aura plein de mails à gérer c’est vraiment pas possible. Et hop, une charge de merde évitée ainsi. Ah ben ouais du coup, sur le long terme c’est beaucoup plus clair, ce gars là en fait il a fait un choix entre :

  • sa réputation (il a obtenu l’étiquette « pas fiable ») ;
  • son temps et son énergie (bien économisées).

Du coup, cultiver son incompétence est une stratégie au service de son besoin de faire un bon usage de son temps et de son énergie, la grande classe.

Cadeau numéro 2 : quelqu’un m’aide (m’aime) !

Et le deuxième il gagne quoi, avec sa box et ses câbles de toutes les couleurs tout emmêlés, et son ordi qui imprime plus depuis la dernière mise à jour? Il gagne un peu de temps aussi effectivement (quoique…), mais j’ai la sensation que ce n’est pas l’objectif de fond. Il me semble qu’il gagne surtout du soutien et la douceur qu’on peut ressentir quand quelqu’un fait quelque chose pour nous, comme un cadeau gratuit qui arrive comme ça et c’est bon. La chaude Line (cf les Bidochon, tout en bas) quand c’est fait de bon coeur, ben ça réchauffe le coeur justement, ça renforce le lien, ça donne un prétexte pour passer du temps ensemble, en direct ou au téléphone, et pour goûter le plaisir d’échanger et de recevoir un service.

Ici, cultiver l’incompétence est donc une stratégie au service du besoin de goûter la relation, et de la douceur qu’on ressent quand quelqu’un prend soin de nous, comme un cadeau.

Boooooon, et ben ça nous a déjà clarifiés un peu tout ça, non? Effectivement, cultiver l’incompétence me permet à moi aussi de nourrir ces besoins là :

  • protéger mon temps et mon énergie, pour faire autre chose ou rien du tout, et goûter plus de détente ;
  • goûter le plaisir que quelqu’un le fasse à ma place et avec joie, et recevoir le cadeau ainsi offert.

Cadeau numéro 3 : je montre et j’accueille mes limites

Et y a un autre truc que ça permet, en lien avec ces deux besoins-là, c’est que du coup je ne suis pas Xena Warrior Princess, autrement dit y a effectivement des choses que je ne sais pas faire (si si), des choses que je fais mal ou pas du tout (oui oui), et ça permet de détendre celles et ceux de mon entourage qui aiment bien se comparer aux autres et qui ne voient que mon côté premier de la classe. Et oui, je suis humaine moi aussi, j’ai pas envie de changer la chasse d’eau moi-même (tu fais ça si bien!), j’adore rater mes oeufs brouillés en conscience tous les matins (ça serait tellement mieux que tu les fasses pour moi…), ce truc d’astrophysique j’y ai jamais rien compris tu vois (mais toi on dirait que ça te plait, tu me racontes?), etc.

Bon, on fait comment en pratique

Et au fait comment on fait pour cultiver l’incompétence? Moi là j’ai deux stratégies. La première consiste à surtout ne pas chercher à en savoir plus sur le sujet en question, ne pas trop y réfléchir, ne pas chercher sur les forums, ne pas essayer par moi-même, ne pas poser de questions aux gens qui savent. Bon j’avoue que c’est dur parfois, car j’aime bien quand les gens me racontent ce qu’ils aiment faire, et j’aime bien bricoler aussi (la nostalgie du mécano de mes 5 ans), et apprendre des choses nouvelles, alors des fois ça coince un peu.

Dans ces cas-là il me reste la deuxième stratégie, à savoir prétendre que je ne sais pas faire du tout (alors qu’en vrai je sais un peu, voire beaucoup) ou que je suis super trop nulle pour ça.

Bon, puis y a aussi la troisième stratégie (oui j’avais dit deux et là c’est la troisième, bravo à ceux qui suivent), celle qui consiste simplement à dire que j’ai pas envie de faire le truc et s’il te plait tu voudrais bien faire ça pour moi, enfin si t’es d’accord, c’est tellement précieux pour moi que tu le fasses à ma place…

Ça vous inspire ? Laissez en commentaire le premier petit pas possible que vous aimeriez mettre en place après cette lecture !

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La chaude Line : cf l’album des Bidochon Internautes, de Christian Binet

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3 commentaires

  1. Je comprends cette démarche de cultiver son incompétence pour les deux raisons que tu donnes. Mais il me semble que les deux exemples que tu présentes ne sont pas équivalents : autant le deuxième va bien dans cette direction, autant le premier me semble inacceptable. Si je regarde ce qui diffère entre eux, c’est que dans le cas du deuxième, ses choix n’impactent que lui : il ne sait pas bidouiller sa box, son imprimante ? Lui seul en assume les conséquences de ne pas avoir accès à Internet, ne pas imprimer.
    Mais dans le cas du premier, ses choix impactent toute la communauté dans laquelle il vit. Si la règle du jeu de la communauté c’est qu’on communique par mail, si la communauté a besoin de réactivité de temps en temps, alors ne pas jouer le jeu et économiser son énergie conduit simplement à désorganiser, ralentir, voire bloquer sa communauté. Et de plus, lui faire porter la charge de fournir à sa place l’énergie que l’on veut économiser (dans mon cas, c’est de l’histoire vécue !).
    ça me semble (enfin pour moi) une bonne ligne directrice de toujours évaluer l’impact de ses choix sur le groupe au sein duquel on vit et interagit.
    Ceci dit, je n’ai jamais cherché à me perfectionner en couture 😉

  2. coucou, merci pour ton commentaire, c’est une question intéressante que tu soulèves en effet.
    est-ce que je reformule bien si je dis ça :
    1/ le 1er a un contrat moral implicite avec sa communauté, et dans ce contrat il y a « tu répondras à tes mails ».
    2/ ensuite tu observes que s’il ne remplit pas sa part du contrat il impacte les autres : en gros il y a conservation de la charge de mails/travail et si lui refuse sa part, d’autres le feront à sa place.
    3/ tu as cette expérience et tu as effectivement senti la surcharge de travail qui t’a impactée toi.
    ça colle avec ce que tu dis ou tu veux rectifier des trucs?
    si je prends ça comme base pour te répondre, j’entends effectivement la surcharge sur les autres, et une part de moi te rejoint là aussi, parce que par expérience aussi j’ai fait du boulot à la place de certaines personnes parfois, tout en pensant que ce n’était pas mon rôle et que ça me surchargeait.
    et en même temps j’ai aussi une part de moi qui se rebelle un peu, parce que dans son contrat à elle il n’y a jamais eu cette obligation envers les mails et elle constate que parfois ça spirale un peu de manière bordélique et exponentielle, qu’elle y passe un temps fou, et qu’elle aspire à un autre mode de fonctionnement, avec moins de mails justement. et du coup quand elle voit ce 1er mec qui n’y répond pas elle est un peu admirative, en voyant quelqu’un qui, maladroitement sans doute, exprime son désaccord avec ce mode de fonctionnement énergivore et chronophage et est cohérent avec lui-même.
    et aussi, j’ai une autre part de moi, celle qui a fait de la CNV, où on se questionne sur « dire et entendre un non », et qui constate qu’à chaque fois que j’ai fait un truc à la place de quelqu’un d’autre, j’avais toujours le choix et personne ne m’a forcée à dire oui. d’ailleurs j’observe que ces derniers temps je ne dis plus oui de la même manière, je dis beaucoup plus souvent non.
    et j’observe parfois en face de moi des gens qui disent oui, au mépris de leur temps, et je ne prends plus sur moi la responsabilité de prendre soin d’eux : s’ils disent oui c’est leur responsabilité, et c’est leur choix de ne pas dire non.
    au final je te rejoins dans cette idée que c’est pour toi « une bonne ligne directrice de toujours évaluer l’impact de ses choix sur le groupe au sein duquel on vit et interagit », et je mets en plus dans la balance la 2ème ligne directrice de « prendre soin de mon temps et de mon énergie » et je prends vraiment le temps d’entendre les 2 lignes et de faire, en conscience, le choix le plus juste à ce moment là.
    c’est comment pour toi tout ça?

  3. Au final, ça me semble bien de bien prendre en compte ces deux aspects, et de ne pas en sacrifier un systématiquement au profit de l’autre !

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