Coucou, alors aujourd’hui j’ai envie de parler de choix et de décisions. C’est proche, et distinct, et j’avais des tas de trucs à dire, j’ai fait deux articles du coup (l’autre est ici, il s’intitule : Choisir c’est faire le deuil de ce que je ne choisis pas).
Bon, j’avais envie de parler de tout ça parce que, quand je suis connectée à l’espace calme qui est au fond de moi, c’est nickel, y a pas grand chose à faire qu’avoir confiance que tout est juste, à se laisser porter par la vie, et n’utiliser que les deux gouvernails « qu’est-ce que je veux vivre ici et maintenant ? » et « mon chemin va-t-il vers ma destination ? ». Les actions justes, les choix et les décisions émergent tout seuls, et tout baigne. Voilà, ça s’est dit, trop facile la vie, la grande classe, détente absolue.
Bon, et les autres jours je fais quoi ? Comment je fais quand j’ai ces foutues questions dans la tête « je l’appelle ou pas ? », « j’y vais ou pas ? », « je m’en vais ou pas ? », « je lui dis ça ou pas ? », hein comment je fais ? Sur des questions dures évidemment, des conversations pas simples, des décisions qui semblent avoir des conséquences énormes et totalement incertaines, par exemple en termes matériels (je dors où ce soir ? comment je paie mon loyer le mois prochain ?) ou en termes de souffrances (la mienne et / ou celle de ou des autre.s).
Réfléchir et réfléchir encore, c’est ne pas agir
La première constatation que je fais, c’est que tout le temps que je passe à me questionner « est-ce que je fais ça ou pas ? », c’est du temps que je passe effectivement à ne pas faire mais à procrastiner (et c’est ok !). Tant que je réfléchis, que je tergiverse, que je tourne et retourne le truc dans ma tête et dans mes tripes, je ne suis simplement pas en train d’agir, et à ce stade, c’est comme si la vie décidait ici et maintenant qu’il n’est pas encore temps.
Prendre le temps de réfléchir c’est une façon par défaut que le choix « je ne fais pas encore » se fasse tout seul. Avec cette idée que si c’était facile et clair, ben j’agirais, tout simplement. Alors que là je me prends la tête, certes, mais je n’agis pas. Bref, la réflexion comme non-action est en soi une forme de décision dans l’instant, c’est juste moi qui dis « je ne suis pas encore prête ».
Clarifier en écoutant toutes mes parts
Ok, donc à ce stade, j’ai de la clarté que je tergiverse, et donc que je suis en train de gagner du temps, que je ne suis pas prête à agir ou à décider. La bonne question pour moi, c’est « qu’est-ce qui m’empêche d’agir et de dire oui à cette action d’appeler, d’y aller, de partir, de dire ? ». En général moi j’en suis là parce que je manque de clarté sur les conséquences, que mon esprit se triture la tête à essayer de prédire l’imprévisible et à peser le pour et le contre d’un futur qui est de toute façon hors de portée.
Quand j’arrive à voir que j’en suis là je suis super contente, parce que d’être capable de me dire tout ça me donne les deux millimètres de recul qui me permettent de me souvenir que je fais de la Communication Nonviolente (CNV). A ce titre, j’ai bien mieux comme corde à mon arc que me prendre la tête sur le futur, car je peux utiliser la CNV pour clarifier ici et maintenant les besoins et les aspirations des parts de moi qui ne sont pas d’accord entre elles.
La plupart du temps, cet outil de traduction / clarification, quand je l’utilise soigneusement, avec douceur et en écoutant l’intuition émerger des profondeurs, il aboutit en l’un de ces deux endroits pour moi :
- une décision « naturelle » émerge spontanément de la clarté d’avoir entendu les deux ou trois parts en jeu dans l’histoire ;
- aucune décision n’émerge, par contre la détente arrive, conséquence du fait que chacune de mes parts a été entendue et rejointe dans ses besoins, et je peux rester en paix avec le non-choix encore un moment.
Un petit exemple siouplait ?
Bon dit comme ça c’est super conceptuel, et sans doute pas très clair pour celles et ceux d’entre vous qui ne pratiquent pas la CNV, et qui ne voient sans doute pas vraiment la différence entre « peser le pour et le contre et réfléchir aux conséquences » et « entendre les besoins et aspirations », ça serait mieux avec un exemple. Ma difficulté là c’est que ça ne va marcher qu’avec un truc vraiment vivant (sinon ça sera pas authentique et l’effet sera moins marquant pour la détente ou l’émergence de l’action juste), autrement dit une vraie décision problématique pour moi aujourd’hui, ce qui me demande de me dévoiler un peu… Je suis ok avec ça ? Je vais prendre un truc un peu anodin, ça devrait aller.
Alors c’est parti, je suis en train d’observer que depuis deux mois j’ai noté « s’occuper de l’inscription au stage […] » sur ma liste du week-end. Un certain nombre de week-ends se sont écoulés depuis et cet item reste sur la liste, invariablement, et je ne fais rien. Ok, donc j’observe que je ne m’inscris pas. Alors qu’est-ce qui se passe là pour moi ? J’entends deux parts, je les détaille un peu :
- Très envie d’aller à ce stage, rien que pour la personne qui enseigne, c’est une occasion unique, ça n’a lieu qu’une fois par an, ça serait dommage de rater ça. Derrière, j’entends le besoin de profiter de l’enseignement, de sa puissance transformatrice, qui parle à mon besoin d’évolution sur mon chemin, de progression personnelle.
- C’est un stage d’initiation seulement. Or moi j’ai déjà fait pas mal de chemin dans cette voie. Cette part se dit que c’est sans doute un peu idiot d’investir du temps, de l’énergie, des sous pour quelque chose qui s’adresse à des gens qui n’ont jamais pratiqué, alors que ça n’est pas mon cas, et que le contenu risque d’être redondant par rapport à ce que j’ai déjà reçu. Celle-là elle veut faire un bon usage de mes resources.
Ok, alors ces deux parts sont essentiellement les deux qui causent depuis deux mois, je ne me sens pas super avancée là. Y en a-t-il une autre qui a un truc à dire ?
Ah, oui en fait, là y a une troisième part qui arrive, qui vient avec le bazooka pour pulvériser les arguments de la numéro 2, vas-y je t’écoute :
3. C’est de la mauvaise foi absolue, même si le contenu m’est en théorie connu je sais que l’être qui enseigne travaille avec la fabrique du vivant, et que l’expérience sera unique et merveilleuse, même si j’ai déjà goûté une partie du contenu une fois, deux fois, trois fois, cent fois. Et cette part là sait bien que la part 2) est au courant de tout ça, elle se dit donc qu’il y a autre chose derrière la résistance, que ce n’est pas ça la vraie raison.
Est-ce que c’est vrai ? Y a un oui qui arrive des profondeurs de moi. Je ne sais pas d’où il vient mais il est là et il sonne juste. Bon qu’est-ce qui se passe alors, pourquoi est-ce que je ne m’inscris pas, qu’est-ce qui me freine ? Qu’est-ce qui se passe d’absolument pertinent en moi pour que je ne m’inscrive pas alors que tous les pointeurs sont au vert ? Quelle est la part qui reste au rouge et qui n’a pas encore parlé, et qui se planque derrière des arguments faiblards ?
Ouch. Touché. La voilà la chouchounette part planquée, il y a un truc qui émerge là. Il y a l’envie flamboyante de partager ça, l’envie d’y aller à deux, l’envie de faire découvrir cette pratique et de pouvoir la partager après. C’est ça qui est là. Et c’est ça qui fait que je ne m’inscris pas, pas encore, que j’attends, parce qu’aujourd’hui je n’ai pas les moyens de partager ça comme je le souhaiterais.
Oh, bordel.
Bon, ok.
Tu parles d’un sujet anodin.
Bon, alors là vous pouvez pas sentir, mais ça se détend en moi, carrément. D’avoir mis le doigt sur ce qui coince a allumé la lumière et a débloqué le truc qui se serrait en moi à chaque fois que je voyais ce stage sur ma liste.
Ok.
Bon, du coup là ce qui émerge pour moi, avec clarté, c’est que je n’ai pas envie de m’inscrire seule, aucune envie en fait, pas aujourd’hui en tout cas. Ahhh. C’est plus clair, et carrément plus détendu.
Ce qui me fascine là c’est qu’il m’a fallu à peine dix minutes pour faire émerger ça, alors que ce foutu stage est sur ma liste depuis un siècle. Je suppose que je n’étais simplement pas prête à entendre ça avant… Je me souviens être restée pendant des semaines sur l’opposition entre les parts 1) et 2). Sans vraiment chercher plus loin, sans me poser pour le faire. Et là pouf. C’est rigolo quand même…
Et si je n’ai pas le temps de clarifier tout cela ? Ou pas les moyens ?
Si je n’ai pas le temps, je fais de mon mieux pour clarifier ce qui se joue en moi en tenant compte de la contrainte temporelle. Et oui, ça veut bien dire que parfois je ne clarifie rien du tout. J’essaie juste, dans la mesure de mes moyens, d’être à l’écoute de mon intuition, et de me poser cette question « qu’est-ce que j’ai envie de vivre ? ».
Et puis parfois je suis speed ou simulée et mon intuition est cachée sous un mètre cube de stress et de tension. Et voilà, c’est ça qui est et à ce moment là, malgré toute ma volonté je n’ai simplement aucun moyen. Alors je prends la décision qui émerge, en ignorant tout des conséquences possibles…
La clef de la détente pour moi, ça va être la façon dont je gère, a posteriori, le fait d’avoir pris ma décision dans ces conditions : est-ce que je me tape dessus ? Est-ce que j’oublie que je n’avais ni temps ni moyens ni envie ? Est-ce que je crois la voix qui dit que j’aurais dû agir différemment ? Si oui à cela, j’ai un peu de boulot avec la CNV, je mets en pratique ce que j’ai appris d’I. Padovani (relation avec les parts de moi : accueillir l’innocence / éduquer l’ignorance) :
- J’accueille la part de moi qui crie. Je la traduis : mon lapin d’amour, quand tu dis ça, est-ce que tu as à coeur que mes décisions soient réfléchies, parce que dans le fond tu t’inquiètes pour moi et tu voudrais être rassurée sur mon futur, c’est ça ? Oui c’est ça…
- Je la remercie ! Cette part se soucie de moi, elle a des hautes aspirations, dans le fond elle veut mon bien-être.
- Je lui donne de l’information : je lui rappelle les circonstances de la prise de décision (pas le temps, pas de moyens), je lui montre que j’ai vraiment fait de mon mieux, comme un être humain parfaitement limité.
- J’écoute comment c’est pour elle. S’il reste des trucs qui l’énervent ou l’inquiètent, je reprends le dialogue…
Et si j’ai pas envie ?
Si j’ai plein de temps mais juste pas envie de clarifier, je ne force plus rien, je fais confiance à ce « pas envie ». Je suis convaincue que ce « pas envie » est une forme de sagesse que j’ai intérêt à écouter. Cette conviction vient simplement de mon expérience : il fût un temps (et ça m’arrive encore parfois) où je me forçais à clarifier, en mode « ça peut pas te faire de mal c’est que des bonnes choses, la CNV et tout ». Et les conséquences étaient pourries, parce que bien souvent la décision prise dans ces conditions était pas géniale, comme si je payais d’une certaine manière d’avoir voulu forcer le travail.
Alors maintenant, quand ça coince et que ça ne veut pas clarifier, je ne clarifie rien, je ne fais rien, je laisse les choses travailler toutes seules à l’arrière plan de ma vie. Parfois j’en parle avec d’autres gens, j’écoute leurs conseils, toujours sans prendre de décision, sans rien forcer. En gros, je suis mon intuition et je fais confiance à ce qui m’arrive. Et bien souvent, un beau jour, la décision émerge toute seule. Ou la situation change. Ou encore l’envie de clarifier émerge.
Bonne ou mauvaise décision ?
Moi j’observe que parfois mon intuition me fait choisir la facilité, la voie du confort, et parfois c’est l’inverse et elle me guide vers un truc dur, courageux et inconfortable. Pour moi y a pas de règle, y a pas de truc plus ou moins noble, y a juste mon intuition, la décision et ma détente à la suivre sans regret ultérieur.
Et puis y a un truc qui me soutient aussi dans l’idée que ma décision est la meilleure qui soit, simplement parce que c’est celle qui a émergé et que j’ai confiance en la justesse des choses, c’est de me souvenir que je n’ai aucune idée des conséquences, notamment à très très long terme, comme dans cette histoire du paysan Zen avec son cheval.
Bon sinon y a aussi une étude scientifique pour nous dire qu’on peut prendre des décisions à pile ou face et que ça rendrait heureux, alors pourquoi s’emmerder à faire tout ça hein 🙂 ?…
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